Le Congo
par Christophe Mécrin
 
 

La République du Congo est un état d'Afrique Centrale, bordé par le fleuve Congo, également appelé Zaïre. Ce fleuve constitue sa frontière avec la République Démocratique du Congo, autrefois dénommée le Zaïre.

Les deux pays sont séparés par le fleuve sur près de 700 km puis par son affluent, l'Oubangui, sur encore 500 km. Ce dernier joue ensuite le rôle de frontière entre la RDC et la RCA.
Les dénominations, souvent issues de la période coloniale, ne facilitent pas les choses. Mais la simplicité des frontières compense : dans ce grand bassin du Congo, on peut parcourir pas loin de 2 000 km de frontières en pirogue.
 
Géographie
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Le Congo est traversé par l'Equateur. Il y fait chaud (très chaud) et humide (très humide). La forêt équatoriale couvre la moitié de sa superficie, rendant très difficile toute forme d'exploitation agricole. Heureusement, au rythme où Malaisiens et autres coupent la forêt primaire "à blanc" (terme technique forestier) et ne replantent rien, la superficie totale des terres arrables devrait bientôt être très suffisante.
L'agriculture est essentiellement vivrière : manioc (60% des terres ciltivées), patates douces et tubercules, mais aussi canne à sucre. La plupart des exportations agricoles ont cessé lors de la dernière guerre et n'ont pas repris depuis, à part le sucre et un peu de café. Le pays est un gros importateur de riz, de viande...

On ne peut pas aborder ce chapitre des ressources du Congo sans parler de pétrole. Il constitue plus de 90% des exportations du pays. Depuis quelques années, on découvre régulièrement de nouveaux gisements. En mer, toujours, et désormais à terre. Cela fait du Congo et de quelques autres pays de la région des républiques pétrolières (à défaut de bananes). Tous ces pays sont très riches, regorgeant de ressources naturelles.

Plus de la moitié de la population vit dans les deux plus grandes villes du pays, la capitale politique Brazzaville et la capitale économique Pointe-Noire.
La population congolaise est, à l'instar des pays voisins, composée de plusieurs groupes ethniques : laris, tékés, villis, mbochis. Pourtant, comme au Gabon, la population y est homogène puisque toutes les langues congolaises, à l'exception du français, sont des langues bantoues. Seuls quelques groupes pygmées, les plus anciens habitants de la région, ont gardé une langue proche de celle que leurs ancêtres parlaient avant l'expansion bantoue. Les principales langues congolaises sont, donc, le kimputu (français !), le lingala (langue de Brazzaville et du Nord, également parlée à Kinshasa et sur la majorité du territoire zaïrois) et le munukutuba (langue de Pointe-Noire et du Sud).
 
Histoire
Avant la "découverte" de la région par les Européens, existaient deux grands royaumes bantous, le Kongo et le Loango (celui-ci étant vassal de celui-là). A l'arrivée des portugais vers le milieu du 15ème siècle, les relations furent cordiales... pendant une cinquantaine d'années. Les pressions économiques et démographiques, avec la traite, ont fini par détruire le royaume Kongo et mettre le Loango à genoux.
 
La colonisation française
Puis vint Pierre Savorgnan de Brazza, en 1880. D'origine italienne, officier de la Marine Française, franc-maçon(*) et ennemi déclaré de l'esclavage. On rapporte ainsi l'anecdote de la création de Libreville, capitale de l'actuel Gabon. Cette ville fut fondée par un groupe d'esclaves embarqués sur un navire hollandais qui a été attaqué par un bateau de Brazza. Les esclaves furent libérés et déposés sur la plage où ils s'installèrent. Le Congo a la particularité d'avoir été colonisé sans presque d'effusion de sang, à coups de menaces, d'accords commerciaux et de cession de terres.
 
(*)Actualité : on construit actuellement, à Brazzaville, un mausolée destiné à recueillir les restes de Pierre Savorgnan de Brazza. À l'occasion de son inauguration, il est prévu une grand-messe avec la participation de nos bien-aimés Sassou et Chirac. Cela ressemble fort à une tentative de récupération à bon compte de l'héritage humaniste de Brazza. La franc-maçonnerie façon clique mafieuse a beaucoup de succès en Afrique, comme ailleurs, et tend à masquer l'existence d'autres loges plus respectueuses de cet héritage.
 
Cette prise de contact plutôt douce entre le Congo et La France a fait long feu. La politique des concessions attribua très vite et sans contrôle la gestion des ressources coloniales à
des compagnies privées qui mirent l'Afrique Centrale à feu et à sang pour en faire couler du caoutchouc. C'était l'époque glorieuse des débuts de l'automobile et il fallait des pneus. Les anecdotes sont nombreuses de bastonnades, de mains coupées, de massacres pour qui ne ramenait pas son quota de la précieuse sève.
Vint aussi la première guerre mondiale et son cortège d'enrôlements, de morts et d'infirmes.
 
"Enfin", la construction du Chemin de Fer Congo-Océan a, dit-on, coûté une vie par traverse posée, sur 511 km à travers le massif du Mayombe. 12 tunnels, dont un de 1,7 km, 172 ponts et viaducs, dont 80 de plus de 10 m, en pleine forêt équatoriale. On "recruta" des Congolais qui arrivaient souvent sur les chantiers la corde au cou. Les indigènes locaux se faisant rares, on importa des Centrafricains, des Camerounais puis des Tchadiens par dizaines de milliers. Deux gares dans le Mayombe, Les Saras et Les Bambas, rappellent la présence dans cette aventure d'hommes et de femmes venus du Tchad et de Centrafrique. On ne comptait pas les morts et les sources ne concordent pas. Une des sources, administrative, rassemblait dans un même compte morbide les morts et les blessés incapables de reprendre le travail, sous le délicieux vocable de "déchets".
Le chiffre retenu par les spécialistes est autour de 20 000 morts, dues aux maladies, aux accidents, à la malnutrition et à la pénibilité du travail. 15% des effectifs engagés dans cette guerre contre la nature sont perdus. On y est allé un peu légèrement sur les investissements humains. Cet effroyable massacre a pris fin lorsque deux hommes de plume français, l'écrivain André Gide et le journaliste Albert Londres, joignèrent leurs écrits aux rapports confidentiels des fonctionnaires pour faire savoir à l'opinion publique de France ce qui était fait en son nom. Gide avait assisté à des scènes de recrutement-chasse à l'homme au Tchad et Londres avait visité des chantiers du CFCO. Pour terminer le travail, on fit venir des Chinois et, surtout, des machines.
 
Monseigneur Augouard, évêque français et tout premier responsable des missionnaires catholiques du Congo, écrivait déjà en 1902, plus de 20 ans avant le Congo-Océan :
"Il faut bien avouer que le Noir ne connaît de la civilisation que la douane et les coups
de fusil et il ne faut pas lui reprocher de ne pas courir auprès de pareils bienfaits."
 
Quelques années après la fin de la construction du CFCO, survient la Deuxième Guerre mondiale. Là, l'Afrique Centrale s'est distinguée et a particulièrement mérité de la Mère Patrie. Le Tchad, sous le gouvernorat de Félix Eboué, a été le premier territoire français à se rallier à Charles De Gaulle, suivi de près par le Moyen-Congo (Congo), l'Oubangui-Chari (Centrafrique) et le Cameroun. Brazzaville fut ainsi pendant quelques mois, en temps que capitale de l'Afrique Equatoriale Française, capitale de la France Libre et résidence officielle du général De Gaulle.
Des Congolais, enrôlés comme beaucoup d'Africains dans les régiments de tirailleurs "sénégalais", participèrent à la libération de la France. Ainsi, ironie de l'histoire, la 9ème Division d'Infanterie Coloniale (aujourd'hui 9ème DIMa, Infanterie de Marine), division de nègres commandée par des alcooliques selon la propagande allemande de l'époque, partit de Ndjaména avec l'armée Leclerc et libéra entre autres la ville de Toulon. Les Toulonnais devraient observer un devoir de mémoire et arrêter de voter pour n'importe qui. Elle arriva jusque dans les Vosges en plein hiver et elle y fut relevée, rigueur du climat oblige, par les Francs-Tireurs du célèbre colonel Fabien.
 
Indépendance
Après une courte période durant laquelle la France fut surtout préoccupée d'elle-même vint le temps des indépendances. De Gaulle, pour remercier l'Afrique de sa loyauté durant la dernière guerre, la livra à Jacques Foccart, son fameux conseiller et bras droit. C'est le temps des "réseaux Foccart", des chefs d'État culs et chemises, de la corruption, de la répression, de la gabegie, des assassinats d'opposants célèbres ou de chefs d'états trop démocratiques (Patrice Lumumba au Zaïre, Mehdi Ben Barka au Maroc, Thomas Sankara au Burkina, par exemples). Tous ces "faits d'armes", tout aussi honorables que le dynamitage du Rainbow Warrior, se sont presque toujours déroulés avec la participation d'agents français ou alliés. Le Congo n'échappa pas à la règle mais, là encore, avec sa particularité. Après quatre présidents et autant de coups d'état en moins de 10 ans, le pays devient la République Populaire du Congo en adoptant, comme Sao Tomé et Principé et plus tard l'Angola, une orientation marxiste. La France avait failli à sa tâche de grand frère, en pleine Guerre Froide. Elle se rattrappa pourtant en maintenant des liens économiques et politiques étroits. Le franc CFA, indexé sur le franc français, est par exemple resté la monnaie du pays.
 
Deux assassinats de présidents plus tard, le colonel Denis Sassou Nguesso arrive et se maintient lors des deux élections suivantes, organisées dans le cadre d'un monopartisme "populaire". Pascal Lissouba fut ensuite élu, en 1991, sans doute légitimement, contre Sassou. Que ceux qui ont toujours eu peur de la démocratie en Afrique se rassurent : il n'est pas resté longtemps et a dû fuir son pays. Les mauvaises langues racontent que c'est sa gourmandise qui lui a vallu ce sort. Il avait peut-être cru qu'il pouvait diriger son pays comme bon lui semblait.
Les tenants et aboutissants de cette guerre restent très confus pour d'humbles observateurs. Qu'on en juge : la France, de par ses accords de défense avec le
Congo, était un soutien officiel du régime Lissouba tandis qu'Elf, acteur gouvernemental français bien connu dans la région, finançait la guerre qui allait ramener Sassou au pouvoir et chasser le premier président démocratiquement élu de ce pays. C'est l'avènement, dans le sang, de Sassou II.
 
 
On reconnaîtra là le bon-sens et la finesse de la politique africaine de la France, qui sait qu'il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. Il faut dire que Jacques Chirac, meilleur ami de l'Afrique entre temps élu Président de la République Française, avait eu l'heureuse idée de rappeler sous les drapeaux le désormais gâteux Foccart comme conseiller spécial aux affaires africaines à l'Elysée. On ne change pas une équipe qui gagne.
Cela me fait penser à ces réunions du RPR ndjaménois ou de je ne sais quelle loge, au siècle dernier, il y a dix ans, qui rassemblaient tout ce qui se comptait d'hommes influents dans la ville, du haut-fonctionnaire français au commerçant syrien, en passant par l'officier supérieur et le tenancier corse du casino--blanchisserie.
Cela rappelle peut-être aussi, à une autre échelle, la constitution en période de crise du gouvernement rwandais dans le bureau même de l'ambassadeur de France, gouvernement qui allait prouver son efficacité en organisant le génocide que l'on sait et par là-même embarrasser beaucoup le Quai d'Orsay.
 
Depuis la fin de la guerre, les affaires ont repris. Sassou a troqué son uniforme de général contre un costume Yves-Saint-Laurent et s'est proclamé "l'homme de la réconciliation" puis celui du "Congo des grandes ambitions". Ah, non ! Je confonds avec Paul Biya, du Cameroun.
Elf a été fondu dans Total, ce qui en passant est bien pratique pour essayer de faire oublier les malversations qui ont valu des peines de prison à tous les dirigeants ou presque de ce fleuron de l'industrie française.
Et on a depuis peu du goudron sur presque toutes les voies principales du centre-ville de Pointe-Noire. Les Ponténégrins en sont très contents et ça les aide à patienter, en attendant que des Chinois viennent s'occuper de l'électricité et de l'eau courante.
 
Et nous, expatriés, n'avons pas trop à nous plaindre. L'écrasante majorité des Congolais, elle, attend un service de santé où il ne soit pas obligatoire de payer avant même d'entrer, un service public d'éducation qui fasse un peu plus que de donner l'illusion de fonctionner, une sécurité sociale et une caisse de retraite qui ne se contentent pas de percevoir des cotisations et qui reversent quelque chose à quelqu'un, un chômage à moins de 50% et l'émergence d'une classe moyenne qui permette à tous ceux qui ne sont pas cousins d'un ministre de sortir de leur misère. Mais ils gardent presque tous le sourire...
 
Et pendant ce temps-là, Jacques Chirac est reçu en triomphateur au Mali par une foule à qui on a donné un jour férié et qu'on a obligé d'être là, comme au bon vieux temps.
Et pendant ce temps-là, les députés français font une loi qui reconnaît le "rôle positif de la présence française en Afrique". Heureusement qu'ils l'on faite en France, cette loi, parce qu'il ne fallait pas compter sur des Africains, même députés, pour faire preuve de tant d'à-propos et de clairvoyance.
Cette politique ne peut plus durer, pour l'Afrique évidemment mais aussi pour la France. Il est urgent de donner un contenu aux déclarations de François Miterrand au sommet de La Baule, selon lesquelles la France ne soutiendrait plus ni chef d'état ni régime anti-démocratiques. Ces déclarations, qui avaient soulevé des vagues d'espoir de chaque côté de la Méditerrannée, sont restées lettres mortes. Et les jeunes Africains qui, malgré tous les efforts entrepris, accèdent à des niveaux d'études et de conscience supérieurs, se détournent de la France. Avec raison.
 
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